EFFETS DES METAUX LOURDS SUR L' ENVIRONNEMENT ET LA SANTE -- RAPPORT DU SENAT

C. ANALYSE DES TRANSFERTS

L'analyse des transferts des métaux lourds dans les sols, par le haut (dans les plantes) ou par le bas (vers les nappes phréatiques) est essentielle à la détermination des risques pour la santé et l'environnement. Elle se heurte cependant à deux difficultés principales.

D'une part, les propriétés des sols se modifient sur des périodes de temps extrêmement longues, en tout cas beaucoup plus longues que les modifications sur l'eau et l'air, mesurables de façon quasi instantanée. Une durée qui exige une mise en perspective, un suivi scientifique rigoureux, sur plusieurs années, voire sur plusieurs générations. En d'autres termes, s'il est possible de connaître le volume et l'évolution des émissions atmosphériques, même sur de très longues périodes (par prélèvements et analyses de carottes des glaces), il n'est pas possible de connaître l'évolution d'une pollution des sols.

Ce handicap est d'autant plus grave que les capacités de mesure et surtout les éléments mesurés évoluent très vite avec les connaissances : le cadmium était inconnu au XIXème siècle, le radium était inconnu au début du XXème, le prion était inconnu il y a vingt ans !... Suivant la suggestion de quelques unes des personnes auditionnées, Votre rapporteur croit à la nécessité de disposer d'archives d'échantillons de sols qui permettront de suivre les évolutions.

Compte tenu de l'intérêt national de l'archivage, l'Office souhaite que les ministères concernés soutiennent et participent financièrement à un tel projet.

D'autre part, l'analyse des risques dépend des affectations et usages du sol. Bien évidemment, les risques ne sont pas les mêmes si un site pollué sert à construire un entrepôt ou un parking, s'il est utilisé pour des habitations ou une école, ou s'il se situe au-dessus d'une nappe phréatique. Or, ces affectations évoluent dans le temps.

Les considérations environnementales ne sont pas les seules à déterminer l'usage. Un sol est aussi un élément de capital et est donc soumis aux règles du marché. Bonnes et/ou mauvaises. Les restrictions d'usage, éventuellement définies par les pouvoirs publics dans une optique de précaution et de prévention des risques ont des répercussions foncières, immobilières, sociales. Les risques sont liés à l'usage. Et l'usage peut varier dans le temps.

1. Les métaux lourds, le sol et l'eau

a) Présentation générale

· L'attention portée aux pollutions des sols est récente. Pendant longtemps, les sols ont été appréciés pour leurs qualités " auto épuratrices " : ils jouent un rôle de filtre et d " épurateur " pour les substances polluantes en transit. Il n'y avait, en vérité, pas d'analyse sérieuse de ce phénomène, mais on considérait que la terre absorbait et " digérait " tout.

Cette croyance naïve est aujourd'hui révolue :

- " soit la charge critique est dépassée et le sol ne joue plus son rôle tampon, de sorte que les polluants pénètrent jusqu'à la nappe phréatique et les fleuves,

- soit les polluants s'accumulent dans le sol jusqu'au point où un changement dans les conditions physiques et/ou chimiques, et/ou biologiques, entraînera un transfert des polluants... " (36(*))


- soit enfin, parce que l'analyse a bien montré des cas de pollution avérée. Certes, les contaminations des nappes souterraines par les trois métaux lourds évoqués sont dans l'ensemble rares. Le mercure, volatile, se disperse pour l'essentiel dans l'atmosphère ; le plomb reste en surface ou dans les horizons supérieurs. Seul le cadmium peut faire exception, mais les quantités sont réduites. La contamination du Lot vient d'ailleurs plus du lessivage des sols pollués des anciens sites industriels, que de la lixiviation et de la contamination des nappes. A certains endroits, la nappe phréatique a cependant été touchée entraînant une contamination de l'eau potable.

Il existe cependant des cas de pollution manifeste : les pollutions aux nitrates, et, pour rester dans le domaine des métaux, ou plutôt, en l'espèce des métalloïdes, les pollutions au sélénium et à l'arsenic (voir ci-après).

· Le processus de transfert (37(*))

Les précipitations (pluie, neige) et l'irrigation sont les principales sources d'eau des sols. Une partie est évacuée par évaporation ou ruissellement de surface. Une partie pénètre dans le sol et se dirige alors soit vers les racines des plantes, soit, par gravité, vers les horizons profonds et les nappes phréatiques. Au cours de ces transports, l'eau se charge en éléments en traces dissous. Ce transfert d'éléments en traces d'un point à un autre du sol (en l'espèce des horizons de surface aux horizons profonds) a lieu soit par advection lorsque les éléments se déplacent à la même vitesse et selon les mêmes trajectoires que la masse d'eau, soit par diffusion lorsque le déplacement est retardé, le circuit est complexe.

L'importance de ces transferts est très variable selon la nature des sols et les métaux (perméabilité, acidité...)

· Le dilemme entre contamination de court terme et de long terme

La question de la contamination dans les sols de cultures se heurte à un dilemme. Ou bien les métaux lourds sont mobiles, ne s'accumulent pas dans les sols, et vont être transférés vers les nappes phréatiques et les plantes, contaminant ainsi la population.

Ou bien les métaux ne sont pas mobiles, n'entraînent aucun risque immédiat pour la population, mais conduisent à une contamination durable, voire irréversible des sols. Il s'agit donc d'un choix entre le court et le long terme : ou bien les métaux lourds sont des sources de contamination immédiate, ou bien le problème est rejeté sur les générations futures.

Face à ce dilemme, le mieux est de ne pas en mettre du tout ou d'en mettre le moins possible.

L'archivage des échantillons de l'environnement : le projet ORQUE

Par M. Michel Astruc

Professeur de chimie analytique à l'Université de Pau, expert,

membre du comité de pilotage

Pour pouvoir évaluer avec certitude l'impact des activités humaines - quelles qu'elles soient- sur l'environnement il est indispensable de pouvoir effectuer des mesures non seulement sur l'état du moment de l'environnement mais aussi sur son état originel avant l'intervention humaine , ce n'est que par cette comparaison que l'on peut tirer des conclusions claires et incontestables.

La procédure la plus couramment employée consiste à rechercher des " archives " naturelles, c'est à dire des lieux privilégiés ou se sont entassés successivement les témoignages instantanés sur l'état de l'environnement. Les meilleurs exemples sont l'empilement des couches de sédiment dans un lac suffisamment profond pour que l'on puisse penser que ce matériau n'a pas été remanié au fil des années ou des millénaires ou encore l'empilement des couches de glace en Antarctique.

Le prélèvement en profondeur d'une " carotte " et son analyse par couches successives permet de retracer un historique, parfois sur des temps très longs (c'est par exemple ainsi que l'on met en évidence l'augmentation de la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère ou les manifestations de la pollution globale par le plomb des essences de voitures).

Il est malheureusement rare de trouver de telles archives naturelles dans des sites soumis aux intenses phénomènes de pollution du monde moderne et il devient alors difficile de situer l'importance réelle de l'impact d'une activité humaine sur un environnement local déterminé.

La seule solution est donc de constituer des " Banques d'échantillons de l'environnement ", prélevés de façon très soignée en des sites soigneusement sélectionnés pour leur représentativité, d'en analyser une partie au mieux des techniques analytiques actuelles et de stocker le reste dans des conditions de conservation extrêmement rigoureuses (actuellement :congelés dans l'azote liquide).

Par la suite il sera possible d'utiliser ces échantillons " historiques " :

- comme base de référence pour des comparaisons d'évolution temporelle de la teneur en certains polluants dans cet environnement ( impact d'une nouvelle implantation industrielle par exemple : avant de s'installer une nouvelle entreprise pourra faire un " état des lieux "qui pourra lui servir de base de défense contre des accusations injustifiées dans un futur proche ou lointain)



- lors de la mise en évidence future du risque associé à un nouveau polluant, dont le rôle n'est pas encore imaginé ou que l'on ne sait pas encore doser, il sera possible de comparer avec certitude et fiabilité - ce qui n'est pas le cas actuellement- les données de l'environnement futur à celui de notre époque ( ceci aurait été par exemple été très utile pour trancher le débat instauré autour de la pollution à la dioxine : les concentrations mesurées de nos jours sont-elles en augmentation ou non par rapport à ce quelles étaient il y a 30 ans quand la production d'électricité au charbon était majoritaire ?)

De telles " Banques " existent déjà dans quelques pays comme l'Allemagne. Il serait fort utile à notre pays d'en disposer également.

Un tel projet, baptisé ORQUE (Centre d'Observation et de Recherche sur la qualité de l'Environnement ) tente actuellement de se mettre en place en Aquitaine (PAU-BORDEAUX), avec un soutien financier de la Région Aquitaine, de l'Université de Pau et du CNRS, en attendant d'autres partenaires.

b) La contamination des eaux à l'arsenic

Le réseau national de santé publique a réalisé en 1997-1998 une importante enquête -dite " Sise-Eaux ", particulièrement intéressante, sur la contamination des sols à l'arsenic (38(*)).

· Premier constat : le recensement des sites pollués

L'enquête a été menée à partir de questionnaires adressés aux DASS des 100 départements de métropole et d'outremer. 44 % (44 % seulement) ont communiqué les résultats d'analyses d'arsenic de 1 906 points de captage, soit 20 % seulement des points de captage totaux des départements ayant répondu au questionnaire. En effet, aux termes de la réglementation, l'analyse de l'arsenic dans l'eau n'est pas systématique. Les captages inférieurs à 100 m3 par jour ne sont pas soumis aux contrôles obligatoires. Les captages compris entre 100 m3 et 2.000 m3 par jour sont contrôlés une fois tous les cinq ans ; les captages compris entre 2.000 et 20.000 m3 sont contrôlés une fois tous les deux ans. Seuls les captages supérieurs à 20.000 m3 sont contrôlés chaque année. On observera que les eaux minérales naturelles ne sont pas non plus soumises aux contrôles d'arsenic.

Il existe donc bien des secteurs géographiques hors normes, qui dépassent les seuils de contamination acceptables, dites " valeurs guides " de l'OMS, ou " concentration maximale admissible " - CMA - dans la réglementation française. Ces sites sont situés dans treize départements 

: Allier, Creuse, Dordogne, Eure-et-Loire, Landes, Loir-et-Cher, Moselle*, Puy-de-Dôme*, Hautes-Pyrénées*, Bas-Rhin, Saône-et-Loire, Vosges*,

YVELINES.

.

Les départements avec astérisque sont ceux concernés par les dépassements du seuil de 50 ug/l.

Les résultats sont donnés dans le tableau ci-après.

Contamination des eaux de consommation par l'arsenic

Teneur en arsenic*

Nombre de sites (départe-ments)

% par rapport au total des sites contrôlés

Population concernée

Nombre eaux minérales

% par rapport au total des eaux contrôlées

> 10 ug/litre

seuil de contami-nation

54 (13 dép.)

2,8 %

200.000

20

27 %

> 50 ug/litre seuil de contami-nation importante

13 (4 dép.)

0,7 %

17.000

4

5,4 %

Source :Réseau national de santé publique - Synthèse OPECST

* valeurs OMS


· Deuxième constat : les contaminations sont de sources diverses, naturelles et/ou anthropiques.

- Les contaminations naturelles. L'arsenic est concentré dans certaines roches. Ainsi, même si la libération d'arsenic dépend surtout de l'acidité des sols, il existe des contextes géologiques à risques, notamment les zones de dépôt volcanique et les zones minières. On trouve ainsi des contaminations naturelles d'arsenic dans le Massif Central, les Vosges, le Haut-Rhin...

Le BRGM a mis en évidence des associations entre l'arsenic dans le sol et le sous-sol, et l'arsenic dans l'eau de captage (à l'exception des captages profonds).

Arsenic dans le sol < 60 ppm Arsenic dans l'eau < 10 ug/l

Arsenic dans le sol < 300 ppm Arsenic dans l'eau < 50 ug/l

- Les pollutions sont aussi d'origine anthropique, avec deux origines possibles. D'une part, l'activité industrielle et minière. L'arsenic est un sous-produit de l'industrie du plomb, du cuivre, du zinc ; l'arsenic est utilisé dans l'industrie du cuir, du bois, dans l'industrie chimique ; l'arsenic se trouve dans les retombées des produits de fonderie, dans les rejets d'eau et dans les lixiviats. La pollution dans la région de Salsigne, dans l'Aude, illustre ce type de pollution.

D'autre part, l'arsenic est utilisé en agriculture, dans les vignobles, les vergers, les cultures maraîchères intensives, comme fongicide, insecticide, pesticide. Si l'arseniate de plomb, longtemps utilisé dans les vergers est aujourd'hui interdit, il existe toujours des pesticides avec de l'arsenic de sodium.

7 % des sites pollués (inventaire BASOL) sont pollués à l'arsenic. Les origines de ces pollutions s'établissent comme suit :

Origine anthropique des pollutions à l'arsenic


Activités industrielles

70 %

Chrome

(20 %)

Métallurgie

(15 %)

Bois

(15 %)

Peinture

(11 %)

Mines

(9 %)

Décharges

21 %

Engrais/pesticides

9 %

Total

100 %

c) Discussion critique

Il existe bien quelques cas rares de situations critiques. Sur les seuls résultats communiqués, 54 sites de captage dépassaient le seuil admissible de 10 ug/l, et 13 d'entre eux présentaient des concentrations importantes, qui appelaient des mesures d'urgence, soit en fermant les captages, soit en menant une vigoureuse action d'information sur la population concernée suggérant des restrictions de consommation.

Une situation d'autant plus préoccupante que ces résultats doivent être interprétés comme des minima. On rappellera, d'une part, que seuls 44 % des départements ont répondu lors de la rédaction du rapport de synthèse ; d'autre part, que les petits points de captage n'ont pas été contrôlés.

Cette situation, qui impose des mesures sérieuses, doit cependant être perçue avec lucidité et gérée avec prudence. Quelques observations méritent d'être rappelées :

- en premier lieu, il serait imprudent d'inciter les consommateurs à se reporter vers les eaux minérales naturelles qui n'offrent pas plus de garantie que les eaux de captage. Rapportées au nombre de cas étudiés, la proportion d'eaux surdosées en arsenic est même beaucoup plus importante. Les eaux de boissons non minérales (eaux de source) peuvent, le cas échéant, être des substituts dans le cas de dépassements importants. Les eaux minérales naturelles sont censées avoir des vertus thérapeutiques vis-à-vis de certaines pathologies. C'est pourquoi on admet dans ces eaux des concentrations supérieures aux concentrations maximales admissibles retenues dans les eaux potables courantes. Sur ce seul critère d'arsenic, la plupart de ces eaux minérales naturelles seraient donc non potables.

- En second lieu, il y a un évident déficit d'information. Par crainte de dérapage médiatique, les autorités ont tendance à cacher les mesures de contamination et les risques (39(*)).

Le défi, pourtant, ne paraît pas inaccessible. Quelques informations simples peuvent être utiles à rappeler. Le risque principal lié à l'arsenic est le risque cancérigène. Il pourrait être utile de superposer la carte des risques -liés à l'arsenic- et la carte de la situation sanitaire des populations. Selon les informations partielles en notre possession, il n'y a pas de superposition.

Le " risque arsenic " est infiniment moindre que le risque tabac. La mortalité par cancer est de deux à quatre fois plus élevé chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.

Cette courte analyse a aussi mis en évidence quelques carences de la réglementation. Les petits lieux de captage, comme les eaux minérales, sont exclus des mesures de contrôle d'arsenic. Une mesure une fois tous les cinq ans représente-t-elle une contrainte financière insupportable ? Des améliorations sont nécessaires sur ce point.

- On s'étonnera aussi du fait que moins de la moitié des départements avaient répondu à l'enquête sur l'arsenic. Absence d'instrument de mesure ? Ignorance des enjeux ? Indifférence à l'égard des résultats ? Voire fuite pour ne pas savoir ? Aucune de ces raisons ne saurait justifier cette négligence. Comme le rappelle parfaitement l'Académie des Sciences : " On est frappé par une certaine inconséquence à l'égard des transferts éventuels d'éléments en traces : les nappes sont considérées universellement comme un patrimoine naturel d'importance moyenne. Cependant peu est fait pour apprécier la réalité des menaces ".

Il reste à définir et respecter une véritable politique de vigilance.

- Enfin, sur un plan général, on peut s'interroger sur la hiérarchisation des risques... L'arsenic étant un cancérogène avéré par voie orale, il est tout à fait nécessaire d'éviter la consommation régulière d'eaux très contaminées. Il s'agit là d'un risque bien plus significatif et dangereux que celui d'une faible contamination de l'eau potable par le plomb pour laquelle 70 milliards de francs vont être engagés...

2. Les métaux lourds et le sol

Que deviennent les métaux dans le sol ? Leur sort dépend du métal et du sol étudié. Une partie est volatilisée (mercure). Une partie part avec le ruissellement. Une partie pénètre dans le sol. Un sol est un ensemble complexe, constitué de plusieurs fractions ou " phases ". La phase solide ne représente que la moitié du volume, le reste étant constitué d'eau et de gaz.

Sol

Phase solide

(50 % du volume)

Autres phases

(eau, gaz)

matière

minérale

(95 - 98 %)

matière

organique

(2 - 5 %)

 

Argiles

Oxydes de fer

et de manganèse

Acides

10 %

Polysaccharides

30 %

Substances chimiques

50 - 60 %

 
 
 
 
 
 
 

E T M

 
 



L'étude de la répartition d'un élément trace métallique entre les composants solides s'appelle la spéciation appréhendée par une technique qui porte le nom " d'extraction séquentielle ".

Cette répartition se présente schématiquement comme suit :

La variable déterminante est le degré de solubilité du métal. Si le métal est soluble, il va passer dans les nappes et/ou dans la plante ; s'il est insoluble, il va rester dans le sol. Cette connaissance est fondamentale car elle détermine à la fois le risque réel lié à la mobilisation dans l'eau et le remède éventuel : certaines plantes peuvent capter les métaux lourds et, par conséquent, constituer une voie de réhabilitation dans l'avenir si l'on arrive à développer des techniques adaptées.

La solubilité va dépendre de plusieurs facteurs :

- le plus important est l'acidité du sol. En règle générale, un sol acide facilite la mobilisation. Un sol calcaire contribue à l'immobilisation de certains métaux (certains éléments réagissent différemment, notamment l'arsenic, plus mobile dans un sol calcaire). La maîtrise de l'acidité (mesurée par le pH) est un élément de contrôle de la mobilité des éléments traces métalliques. La présence d'argiles ou d'oxydes de fer et de manganèse va jouer le rôle de piège pour les contaminants métalliques.

- l'apport de matières fertilisantes, notamment de boues, est l'un des éléments de contrôle de la mobilité. La boue chaulée, avec apport de calcaire diminue la mobilité (sauf exception pour l'arsenic).

- l'origine de l'apport. Les éléments traces métalliques se diffusent plus ou moins facilement selon qu'il s'agit de rejets isolés ou s'ils proviennent de boues. Pour simplifier, les métaux lourds dans les boues restent dans celles-ci, au moins pendant un certain délai.

- l'aération des sols. Un tassement des sols (lié au passage d'engins...) accroît la mobilité et la diffusion dans les eaux souterraines. Un sol aéré permet d'activer les composés de fer et de manganèse présents dans le sol. Ces composés, peu solubles, maintiennent et immobilisent les métaux.

3. Les métaux lourds et les plantes

a) Présentation générale

La teneur d'un sol en métaux lourds est une donnée relativement accessoire si ce n'est pour déterminer le danger global (concentration maximale mobilisable). L'important est de déterminer la fraction biodisponible, c'est-à-dire la partie accessible au végétal ou à la mobilisation vers les ressources en eau. La biodisponibilité est l'aptitude d'un élément trace à être transférée à la plante.

Les plantes, comme les invertébrés, réagissent de façon différente selon les variétés. Certaines sont peu ou pas tolérantes et meurent au contact des métaux lourds. D'autres ont des réactions de défense, et freinent l'absorption en sécrétant des acides qui vont augmenter le pH et par conséquent réduire la mobilité des éléments traces. D'autres enfin, sont tolérantes aux métaux, et même les accumulent, les concentrent. Ces plantes sont dites " hyperaccumulatrices " et métallophiles.

Les éléments traces sont absorbés par les racines, et y demeurent le plus souvent. Le passage dans les parties aériennes (tiges, feuilles) varient selon les métaux et sont les signes d'un accroissement de la concentration des métaux dans le sol, le plomb reste dans les racines. Le cadmium passe plus facilement dans les parties aériennes.

Les études de ces phénomènes sont encore peu avancées et semblent pourtant prometteuses. Les plantes offrent deux opportunités :

- d'une part, les plantes sont d'excellents bioindicateurs soit pour observer la nature des polluants, soit pour analyser l'origine des polluants (les lichens, par exemple, n'ont pas d'accès au sol : les contaminations de lichen ne peuvent donc venir que de pollutions atmosphériques), soit pour suivre l'évolution d'une contamination (avec le passage des traces dans les racines aux traces dans les parties aériennes). Ces caractéristiques ne sont pas propres aux plantes. Les invertébrés sont également d'excellents indicateurs pour certains métaux (les gastéropodes par exemple disparaissent avec le zinc tandis que les coléoptères survivent très bien...). Ces données peuvent servir d'indicateurs de " biosurveillance ", notamment des zones à risques.

- d'autre part, les plantes peuvent avoir un rôle stabilisant, voire curatif. Sans négliger l'atout esthétique, les plantes évitent surtout les envols de poussière et peuvent servir à végétaliser les sites pollués, sous réserve que la pollution ne soit pas excessive, et concerne certains métaux (zinc, cadmium par exemple. On ne connaît pas de plante accumulant le plomb ou le mercure...). Ce type d'action porte le nom de " phytoremédiation ".

Ces plantes contaminées, a fortiori les plantes accumulatrices -type gazon d'Espagne ou certaines avoines- ne peuvent et ne doivent pas servir à l'alimentation humaine ou animale. On se préoccupe malheureusement peu de savoir si les plantes fortement accumulatrices ne sont pas utilisées pour certains animaux et génèrent ainsi (volontairement ou non) une contamination de la chaîne alimentaire. Comment contrôler alors la propagation ? Des recherches doivent être menées dans ce domaine. C'est à ce stade que des contrôles doivent s'exercer.

On observera que l'agriculture biologique est définie notamment par les apports aux sols et aux animaux : les agriculteurs bio s'interdisent d'utiliser des pesticides et engrais chimiques de synthèse. En revanche, aucune condition n'est mise sur les sols eux-mêmes. On pourrait même imaginer une production biologique ou prétendument biologique sur un sol pollué...

Une hypothèse qui pourrait ne pas être qu'une pure hypothèse d'école.

Cette réglementation est certainement perfectible.

b) L'analyse des transferts

L'analyse des transferts de métaux lourds vers les plantes est très complexe et demande un examen extrêmement fin. Il y a plusieurs stades d'analyse :

- La connaissance générale

L'aptitude à l'accumulation dépend des espèces et de la variété. En général, les plantes à croissance rapide accumulent les métaux, notamment le cadmium, le zinc et le cuivre. Les plantes accumulent très peu du plomb par les sols et les traces de plomb que l'on retrouve sur les plantes émanent en général d'une source atmosphérique.

Aptitude à accumulation de quelques plantes

Plantes

Cadmium

Zinc

Cuivre

Nickel

Plomb

Fortement accumulatrices

Carotte, laitue, épinard

 

Carotte

Chou

-

Moyennement accumulatrices

Chou, céleri

Maïs, betterave

Laitue, betterave

Betterave

-

Faiblement accumulatrices

Betterave, poireau

Céréales, poireaux

Pommes de terre, chou, épinard

Céréales, maïs, pommes de terre

 

Très faiblement accumulatrices

Céréales, maïs

Pommes de terre

Pommes de terre

 

toutes espèces

Source ADEME - Connaissance et maîtrise des aspects sanitaires de l'épandage des boues - 1990

- L'application pratique


Bien souvent, cette connaissance générale suffit à éliminer certaines cultures (en interdisant l'épandage de boues sur des terrains destinés à certaines cultures maraîchères par exemple) mais ne suffit pas à déterminer avec certitude les plantes peu accumulatrices qui peuvent parfaitement être cultivées sur des sols relativement chargés en métaux lourds. L'application pratique demande un degré de précision supplémentaire.

Hélas, cette précision ne fait que compliquer l'analyse. Un travail très fin a été mené sur les concentrations de cadmium sur le blé. 29 variétés de blé ont été testées sur treize types de sols, non amendés en boues. Les conclusions sont hétérogènes. Sur un même sol, les concentrations de cadmium dans le blé varient de 1 à 7 (Une variation de 1 à 4 pour 28 variétés ; et une teneur beaucoup plus importante pour une variété). Pour un même blé, les concentrations de cadmium varient de 1 à 4,5 selon les sols...

L'analyse des transferts des métaux lourds vers les plantes est évidemment fondamentale à l'analyse des risques. Les quelques exemples évoqués ci dessus montrent que cette analyse est cependant très complexe et n'appelle pas de conclusion simple. Les efforts de recherche doivent être poursuivis sur quelques productions à déterminer en commun avec les parties concernées c'est à dire avec les gestionnaires de stations et les agriculteurs.